Nous garons la Mercedes-Maybach S 580 dans l’une des ruelles étroites de Pietrasanta. Nous apercevons déjà la résidence de l’artiste Vincenzo De Cotiis. Au premier coup d’œil, elle ressemble à une maison comme les autres. L’ancienne façade s’intègre parfaitement à la multitude de maisons qui constituent la vieille ville, le centre historique.
La cour intérieure ombragée est flanquée de bancs en pierre et les murs sont recouverts de plantes grimpantes. Les rayons dorés du soleil percent à travers leurs feuilles. Nous montons les marches d’un escalier en marbre. La porte d’entrée plutôt sobre ne suggère que discrètement ce qui nous attend à l’intérieur de la maison : un cabinet de curiosités baigné de lumière, où presque tous les meubles sont des pièces uniques, des œuvres d’art de Vincenzo De Cotiis conçues spécialement pour ce lieu. L’artiste, qui expose dans des salons d’art majeurs comme Art Basel, qualifie ses œuvres de collectible designs (designs pour collecteurs), car elles allient ambition artistique et contraintes fonctionnelles. En d’autres termes, les créations de Vincenzo De Cotiis ne sont pas seulement intéressantes pour les yeux, on peut aussi s’y asseoir confortablement – par exemple si l’on possède un des sièges réalisés par l’artiste.
Révéler l’histoire
« Nous sommes tombés sous le charme de cet édifice au premier coup d’œil », se souvient Claudia Rose, la femme de Vincenzo De Cotiis. « Nous étions fascinés par les traces du temps qui sont restées inscrites dans l’architecture. Au fur et à mesure, nous avons découvert de plus en plus de détails et de couleurs, adorant la perfection de “l’inachevé”. Nous retrouver dans cette atmosphère unique, enveloppés de silence et de lumière nous a beaucoup plu. C’était presque religieux. » Le palazzo avait d’ailleurs exactement cette fonction au cours de son histoire mouvementée.
Construit au 18e siècle, l’édifice a servi tantôt de couvent de nonnes, tantôt de refuge à l’artiste Antonio Digerini, qui y a laissé une empreinte particulière. L’art est donc ancré depuis des siècles dans les fondations de l’immeuble. Sur les murs du grand salon au troisième étage, on retrouve même des peintures datant de l’époque de sa création. Vincenzo De Cotiis y a ajouté une œuvre de Felix Schramm, imaginée spécialement pour ce lieu où elle semble tomber du plafond, comme en suspens.
Une créativité unique
Vincenzo De Cotiis a débuté en tant que designer d’intérieur. En 1997, sa femme et lui créent leur propre entreprise et une galerie qui commercialise les collectable designs de Vincenzo. Ses créations se distinguent par leurs formes sculpturales et par les matériaux exceptionnels dont il se sert.
Les matériaux ont par ailleurs une grande importance dans la région de Pietrasanta. Dans les contreforts des Alpes apuanes, juste au-dessus de la ville voisine de Carrare, on extrait du marbre destiné au marché mondial depuis l’Antiquité romaine. On retrouve ce matériau noble un peu partout dans la ville de Pietrasanta. Dès l’entrée de la ville, les visiteurs sont accueillis par un skatepark en marbre. Michel-Ange se rendait régulièrement à Pietrasanta afin d’y acheter du marbre pour ses ateliers de Florence et de Rome, tout comme Léonard de Vinci.
L’architecte s’installe dans le canapé d’un salon au quatrième étage.
« Ma femme et moi venons ici pour les vacances d’été depuis notre enfance », explique-t-il. « Pietrasanta est une petite perle unique en Toscane. Il y règne une atmosphère spéciale et magique, qui est difficile à décrire. Le village est perché sur une colline, au milieu des montagnes, et entouré d’une vieille architecture romaine. Il attire les gens créatifs et je trouve ça très agréable. »
Des œuvres qui visent l’intemporel
Les designs de Vincenzo De Cotiis sont populaires. Bien souvent, il ne vend pas un objet seul, mais l’aménagement intérieur complet d’une maison. En toute discrétion, ses créations remplissent des appartements, des villas et des maisons autour de Milan et ailleurs dans le monde. Elles sont pourtant bien trop précieuses et inspirantes pour que le privilège de vivre avec elles soit réservé à quelques privilégiés. Elles représentent la nonchalance latine, ce flair pour la beauté des surfaces qui fait partie intégrante de la culture italienne et la foi en la créativité humaine.
« Nous voulions révéler les matériaux et les couleurs d’origine. Chaque nouvel objet est conçu en fonction de ce qui l’entoure et existe en complémentarité avec les œuvres d’autres artistes. Nous avons accordé un grand respect à l’architecture d’origine et nous avons voulu conserver et restaurer autant de pièces originales que possible. Pour mes œuvres, j’ai utilisé de nombreux matériaux locaux, comme différents types de cipollino et de breccia – des pierres naturelles qui ressemblent au marbre. » Ou justement du marbre véritable. « Dans mon atelier, je fusionne la fibre de verre, recyclée ou neuve, le verre, la pierre et le métal. Assemblé, l’objet prend la forme d’un nouvel amalgame organique. Je cherche à combiner des matériaux qui ne semblent pas aller ensemble de prime abord, mais qui fonctionnent en harmonie une fois l’objet fini », souligne l’artiste. « Quand je crée, je vise l’intemporel. »